κέ
Κεάδαςκέ, κέν, particule enclitique, épq.,
éol. et dor. (dor. κά [ᾱ]), analogue mais non identique
à ἄν, différente de cette dernière par la syntaxe,
κέ pouvant se
construire avec certains temps que ἄν n’admet pas ou admet
rarement. Comme ἄν,
κέ se joint au verbe pour donner à la proposition un sens
dubitatif ou conditionnel :
A avec l’indicatif (impf., aoriste,
pl. q. pf.)
I pour marquer que la supposition exprimée dans la propos.
correspondante ne s’est pas réalisée ou ne peut se
réaliser :
1 dans
une propos. correspondant à une propos. conditionnelle avec
εἰ : εἰ δέ τευ ἐξ
ἄλλου γε θεῶν γένευ, καί κεν δὴ πάλαι ἦσθα ἐνέρτερος
Οὐρανιώνων, Il. 5, 898, si tu étais né de quelque autre dieu, il y a
longtemps que tu serais tombé plus bas que les fils d’Ouranos (les
Titans) ; καί νύ κ’ ἔτι πλέονας Λυκίων κτάνε
δῖος Ὀδυσσεύς, εἰ μὴ ἄρ’ ὀξὺ νόησε μέγας κορυθαίολος
Ἕκτωρ, Il.
5, 679, et sans doute le divin Ulysse
eût tué plus de Lyciens encore, si le grand Hector au casque
mouvant ne l’eût soudain aperçu ; cf.
Il. 8, 90,
etc. ; Od.
11, 317, etc.
||
2 dans
une propos. où la condition est exprimée par un simple
participe : ἀλλά κε κεῖνα μάλιστα
ἰδὼν (c. à d. εἰ εἶδες) ὀλοφύραο θυμῷ,
Od. 11, 418,
mais tu aurais surtout gémi dans ton cœur, si tu avais vu (comment,
etc.) ||
3 dans
une propos. où la condition est exprimée par un adj. avec lequel on
peut sous-entendre ὤν :
ἔνθα κ’ ἄϋπνος ἀνὴρ δοιοὺς ἐξήρατο
μισθούς, Od. 10, 84, là un homme qui ne dormirait pas
(litt. s’il restait éveillé) pourrait
gagner double salaire ||
4 dans
une propos. correspondant à une autre où la condition, sans être
formellement énoncée, résulte du contexte :
ἀλλὰ μάλα Τρῶες δειδήμονες· ἦ τέ κεν ἤδη λάϊνον
ἕσσο χιτῶνα, Il. 3, 56, les Troyens sont bien poltrons, autrement tu
serais déjà enveloppé d’un vêtement de pierre ; ὑπό κεν ταλασίφρονά περ δέος εἷλεν, Il. 4, 421, la crainte
aurait saisi même un homme courageux (s’il avait entendu ce
bruit) ; cf. Il.
5, 885. La propos.
d’où résulte implicitement la condition peut être à la suite de
celle où κέ se trouve
exprimé : καί νύ κεν ἀσκηθὴς ἱκόμην
ἐς πατρίδα γαῖαν· ἀλλά με κῦμα ἀπέωσε, Od. 9, 79, et je serais
parvenu sain et sauf dans ma patrie, mais les flots m’en écartèrent
||
II pour marquer qu’une action pourrait avoir lieu dans de
certaines circonstances ou à de certaines conditions
réalisables :
1 d’ordin. avec le fut. : dans des propos.
indépendantes : καί κέ τις ὧδ’ ἐρέει
Τρώων, Il. 4,
176, et sans doute parmi les Troyens quelqu’un parlera
ainsi ; οὐδέ κέ τις μοι μῦθον ἀτιμήσει,
Il. 9, 61, et
personne sans doute ne méprisera mes paroles ; cf. Il. 1, 139, 523 ; 3, 138 ;
8, 404, etc. ;
Od. 4, 80 ;
16, 237, etc. ; — dans des propos. relat.
marquant soit une simple éventualité : ἦ καί μοι νεμεσήσεαι ὅττι κεν εἴπω; Od. 1, 158, t’irriteras-tu
contre moi pour ce que je pourrai dire ? cf. Il. 2, 361, etc. ;
Od. 1, 389 ;
8, 548, etc. ;
soit une détermination du sens général de la
propos. principale : παρ’ ἔμοιγε καὶ
ἄλλοι, οἵ κέ με τιμήσουσι, Il.
1, 175, d’autres encore sont auprès de
moi qui sans doute m’honoreront ; ἐν δ’ ἄνδρες
ναίουσι, οἵ κέ ἑ τιμήσουσι, Il.
9, 155, dans ces villes habitent des
hommes qui l’honoreront ; cf.
Il. 9, 297,
etc. ; Od.
10, 432 ; — dans des
propos. d’interrog. indir. où κέ se
construit avec le fut. dans le premier membre de phrase, avec le
sbj. exprimant un doute dans le second : νόησον ἤ κέν μιν ἐρύσσεαι ἤ κεν ἐάσεις (ἐάσῃς La Roche)
Il. 20, 311,
réfléchis si tu veux sauver (Énée) ou si tu le laisseras
(succomber) ; φράσαι ἤ κεν νῶϊν Ἀθήνη σὺν Διῒ
πατρὶ ἀρκέσει, ἠέ τιν’ ἄλλον ἀμύντορα μερμηρίξω,
Od. 16, 260,
décide si Athènè avec le puissant Zeus pourra nous suffire à tous
deux, ou si je dois m’inquiéter de quelque autre défenseur ;
cf. Od.
16, 38 ; 18,
265, etc. À
cette construction se rattachent qqes ex. où le fut. est douteux,
parce qu’on peut considérer la forme verbale comme un sbj. avec
voyelle abrégée, par ex. εἴ κ’ ἔτι σ’
ἀφραίνοντα κιχήσομαι, Il.
2, 258, si je te trouve encore
déraisonnant ||
2 qqf.
avec un temps historique (impf.,
ao. et pl. q. pf.) : ἢ γάρ μιν ζωόν γε κιχήσεαι, ἤ κεν Ὀρέστης κτεῖνεν,
Od. 4, 546, car
ou tu le trouveras vivant, ou bien Oreste l’aurait tué ;
de même dans des propos. relat. :
ἵππων ἐπιϐήτορες, οἵ κε τάχιστα ἔκριναν μέγα
νεῖκος πτολέμοιο, Od. 18, 263, habiles à monter sur les coursiers qui
décident si promptement la grande querelle du combat ; δμῳὰς δ’ οὐκ εἴας προϐλωσκέμεν, αἵ κεν ἔφαινον,
Od. 19, 25
(puisque) tu ne laisses (litt. laissais)
pas marcher devant toi des servantes, qui éclaireraient (si tu les
laissais te précéder) ||
3 p.-ê. avec un prés. :
τῷ καί κέ τις εὔχεται ἀνὴρ γνωτὸν ἐνὶ μεγάροισιν
ἀρῆς ἀλκτῆρα λιπέσθαι, Il.
14, 484, aussi tout homme de cœur
souhaiterait laisser dans sa maison un frère vengeur de sa mort ;
ttef. il se peut que εὔχεται soit un sbj. avec voyelle abrégée, ou que
κέ se rattache non à εὔχεται, mais à l’inf. suiv. ; cf. ἤτοι μὲν τάδε κ’ αὐτὸς
ὀΐεαι, Od. 3,
255, et tu pourras savoir ces choses (comme elles sont
arrivées), etc. (sel.
d’autres καὐτός) ; ἐθέλεις δέ κε μῶμον ἀνάψαι, Od. 2, 86, sans doute tu
veux nous couvrir de honte (sel. d’autres
ἐθέλοις) etc. ||
B avec le subjonctif :
I pour marquer qu’une action aura lieu dans certaines
circonstances regardées comme réalisables :
1 dans
des propos. indépend. : ἢ δοιοῖσιν
ἐπεύξεαι Ἱππασίδῃσι,... ἤ κεν ἐμῷ ὑπὸ δουρὶ τυπεὶς ἀπὸ θυμὸν
ὀλέσσῃς, Il. 11, 433, ou tu te glorifieras (d’avoir tué) les deux
fils d’Hippasos, ou frappé par ma lance tu perdras la vie ||
2 dans
des propos. subord. : μή μ’ ἔρεθε,
σχετλίη, μὴ χωσαμένη σε μεθείω, σὺ δέ κεν κακὸν οἶτον ὄληαι,
Il. 3, 414, ne
m’irrite pas, malheureuse, crains que je ne t’abandonne dans ma
colère, et que tu ne périsses certainement ensuite d’une mort
malheureuse ; cf. Il. 1, 184 ; 14, 235 ; 16, 129 ;
Od. 1, 396.
Dans ces sortes de propos. κέ peut se construire successiv. avec le sbj. ou avec
l’opt. : ἄλλον κ’ ἐχθαίρῃσι βροτῶν,
ἄλλον κε φιλοίη, Od. 4, 692, (un roi) peut bien haïr un mortel, en aimer
un autre, etc. ||
3 dans
les propos. relat. qui renferment une idée de possibilité ou de
probabilité : ἐπιθήσει φάρμαχ’ ἅ κεν
παύσῃσι ὀδυνάων, Il. 4, 191, (un médecin) appliquera des remèdes qui
pourront calmer tes douleurs ; cf.
Od. 2, 192 ;
4, 756 ; 10,
288, etc. ; τάων ἥν κ’ ἐθέλωμι φίλην ποιήσομ’ ἄκοιτιν,
Il. 9, 397,
parmi ces (filles de roi), de celle que je voudrai (litt. que je pourrai vouloir) je ferai ma compagne
chérie ; particul. avec un adv. relat. : φραζώμεσθ’ ὥς κέν μιν ἀρεσσάμενοι πεπίθωμεν,
Il. 9, 112,
avisons maintenant comment nous pourrions bien l’apaiser et le
persuader ||
4 dans
les propos. conditionn. où κέ se trouve
exprimé à la fois dans la propos. marquant la condition et dans la
propos. énonçant la conséquence qui pourra se
produire : εἰ δέ κε μὴ δώῃσιν, ἐγὼ
δέ κεν αὐτὸς ἕλωμαι, Il.
1, 324, et s’il arrive qu’il ne la donne
pas, je saurai bien la prendre moi-même ||
II pour exprimer l’idée d’un fait général, collectif ou
habituel : ἐχθρὸς γάρ μοι κεῖνος, ὅς
χ’ ἕτερον μὲν κεύθῃ ἐνὶ φρεσίν, ἄλλο δὲ εἴπῃ, Il. 9, 312, il m’est odieux
l’homme qui cache une chose dans son cœur et qui en dit une autre ;
ὅς κε θεοῖς ἐπιπείθηται, μάλα τ’ ἔκλυον
αὐτοῦ, Il. 1,
218, tout homme qui obéit aux dieux, les dieux l’exaucent
volontiers ; cf. Il. 2, 391 ||
III dans les propos. temporelles avec ὅτε :
ὅτε κεν, Il.
1, 567, etc. ;
Od. 4, 420,
etc. ; avec
ὁπότε : ὁπότε
κεν, Il. 4,
40, etc. ; Od. 2, 357, etc. ; avec ἐπεί : ἐπεί κε,
Il. 2, 475,
etc. ; Od.
14, 153, etc.
||
IV dans les propos. finales avec ὄφρα : ὄφρα κεν,
Od. 2, 124 ;
3, 359, etc. ;
avec ἵνα,
Od. 12, 156 ;
avec ὡς,
Il. 1, 32,
etc. ||
V dans les propos. d’interr. indir. : φρασσόμεθ’ ἤ κε νεώμεθ’ ἐφ’ ἡμέτερ’, ἤ κε μένωμεν,
Il. 9, 619,
nous délibérerons si nous devrons retourner chez nous ou rester ;
cf. Il.
8, 533 ; 22,
130. Dans les propos. de ce genre,
κέ peut se construire successiv. avec le
sbj. ou avec l’opt. : ἤ κε φέρῃσι
μέγα κράτος, ἤ κε φεροίμην, Il.
18, 308, ou il remportera une grande
victoire, ou je la remporterai moi-même ||
C avec l’optatif :
I pour marquer l’idée d’une supposition :
τὸν δ’ οὔ κε δύ’ ἀνέρε ἀπ’ οὔδεος
ὀχλίσσειαν, Il. 12, 447, deux hommes robustes n’auraient pas soulevé
cette pierre du sol ||
II pour marquer l’idée d’une conséquence résultant de la
réalisation d’un fait éventuel indiqué soit dans une propos.
conditionn. antérieure : ἀλλ’ εἴ μοί
τι πίθοιο, τό κεν πολὺ κέρδιον εἴη, Il. 7, 28, mais si tu
voulais m’en croire, ce qui serait bien plus avantageux,
etc. ; cf.
Il. 4, 35 ;
ou postérieure : καί νύ κεν ἔνθ’ ἀπόλοιτο, εἰ μὴ νόησε, Il. 5, 311, et sans doute
il aurait péri là, si (sa mère) ne s’en fût aperçue ; cf. Il. 6, 50 ; soit par un adv. qui
rappelle cette propos. conditionn. : τῷ κε τάχ’ ἠμύσειε πόλις, Il. 4, 290, dans ce cas
(c. à d. si un tel cœur se fût trouvé
dans toutes les poitrines) la ville de Priam serait vite tombée ;
soit simpl. par l’idée qénérale du
contexte : νῦν γάρ κεν ἕλοις πόλιν
εὐρυάγυιαν, Il. 2, 29 (Zeus t’ordonne d’armer les Grecs), car tu
pourrais t’emparer aujourd’hui de la ville aux larges rues ||
III pour exprimer une simple opinion : φαίης κε, Il. 3, 220, tu pourrais dire, on dirait ; ὥς κέν τις φαίη, Od.
23, 135, de telle sorte qu’on pourrait
dire ||
IV à
la place de l’impér. pour exhorter ou commander d’une manière
adoucie : τλαίης κεν =
τλῆθι, Il.
4, 94, tu pourrais oser, c. à d. ose ||
V à
la place du fut. : ἔνθα κε λεξαίμην
παρὰ νηῒ μελαίνῃ, Od. 3, 365, je coucherai (litt. je pourrais coucher) là, près du noir vaisseau
||
VI après ὡς pour exprimer l’idée d’un souhait : ὥς κέν οἱ αὖθι γαῖα χάνοι, Il. 6, 281, puisse là même
la terre s’ouvrir pour lui ||
VII dans les propos. relat. à la place d’un indic. pour marquer
d’une manière adoucie l’idée d’une éventualité
certaine : οὔ μοι Τρώων τόσσον μέλει
ἄλγος ὀπίσσω, οὔτε κασιγνήτων, οἵ κεν ἐν κονίῃσι πέσοιεν,
Il. 6, 450, je
n’éprouve pas une aussi grande douleur à la pensée des Troyens ni
de mes frères, qui tomberont (litt. qui
pourraient tomber) dans la poussière ; cf. Od. 1, 254 ; 9, 126,
etc. ||
VIII dans des propos. d’interrog. indir. :
νημερτὲς ἐνίσπες, εἴ πως τὴν ὀλοὴν μὲν
ὑπεκπροφύγοιμι Χάρυϐδιν, τὴν δέ κ’ ἀμυναίμην, Od. 12, 114, dis-moi
sincèrement si je pourrai échapper à la funeste Charybde et
repousser l’autre (c. à d. Scylla) ;
cf. Od.
14, 120 ||
D avec l’infinitif dans un seul ex. homér. :
ἐμοὶ δὲ τότ’ ἂν πολὺ κέρδιον εἴη, ἢ Ἀχιλῆα
κατακτείναντα νέεσθαι ἠέ κεν αὐτῷ ὀλέσθαι, Il. 22, 110, alors il
vaudrait bien mieux pour moi ou tuer Achille, et rentrer parmi les
miens, ou périr ici même, et dans un ex.
de Thcr. Idyl. 24, 136 ||
E Rem.
1 κέ peut être répété :
τῷ κε μάλ’ ἤ κεν ἔμεινε, ἤ κέ με τεθνηκυῖαν ἐνὶ
μεγάροισιν ἔλειπεν, Od.
4, 733, alors certes ou il fût resté ici
ou il m’eût laissée morte dans le palais ||
2 il
peut se joindre à ἄν :
ὄφρ’ ἂν μέν κεν, Il. 11, 187 ; Od. 5, 361 ; οὔτ’ ἄν κεν, Il.
13, 127 ||
3 il
peut correspondre à ἄν placé dans une
autre propos. : οὐκ ἂν..., οὐδέ
κε, Il. 19,
271, etc. ; οὐκ
ἂν..., ἀλλά κεν, Il. 13, 289, etc. ||
4 il
peut se joindre à ἄν dans une même
propos. : ὄφρ’ ἂν μέν κεν,
Il. 11, 187 ;
Od. 5, 361 ;
οὔτ’ ἄν κεν, Il.
13, 127 ; cf.
Il. 24, 437 ;
Od. 6, 259 ;
9, 334 ||
5 quoique se rattachant au verbe, il peut se trouver placé
devant un autre mot (pron., adv.,
etc.) : v. les exemples ci-dessus ;
il peut être précédé ou suivi d’une ou plus.
particules : εἴ κε,
Il. 11, 791 ;
Od. 12, 114,
etc. ; αἴ κε,
Il. 1, 128,
etc. ; εἰ μέν κεν,...
εἰ δέ κε, Il. 3, 281, 284 ; εἰ δέ κ’
ἔτι, Il. 23,
526 ; εἴ περ γάρ κεν, Od. 8, 355, etc. ||
E Dor. κά [ᾱ] Thc. 5, 77 ; Ar. Ach. 737, etc. ; Thcr. Idyl. 2, 100, 142 ;
11, 49 (vulg.
κἄν) ; 11, 73
(vulg. κεν) ;
18, 56.
Étym.
indo-europ. *ken,
*kn̥, particule modale,
cf. ἄν 1.